Biologie et Pathologie des matrices extracellulaires
Vidéo: présentation des sujets de recherche développés par l'équipe de Florence Ruggiero. |
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Introduction
Dès les stades précoces du développement embryonnaire, les cellules s’entourent d’un “ciment biologique” qui assure la cohésion des cellules entre elles. Ce “ciment” est appelé matrice extracellulaire ou microenvironnement cellulaire. Il est constitué d’un alliage complexe de différentes protéines dont l’organisation et la composition vont être finement contrôlées par les cellules elles-mêmes pour répondre aux exigences mécaniques d’un tissu ou d’un organe (comme la solidité pour l’os ou l’élasticité pour la peau) mais aussi fournir aux cellules résidant dans ces tissus un environnement adapté à leurs fonctions.
La matrice extracellulaire n’est cependant pas une substance amorphe! C’est au contraire une structure dynamique capable d’interagir avec les cellules et dont certains composants, pour répondre aux fonctions cellulaires tout au long de l’existence, peuvent être détruits, reconstruits, pas forcément à l’identique, ou remodeler. C’est précisément ce dialogue incessant qui s’installe progressivement entre les cellules en cours de différentiation et leur microenvironnement lors de l’élaboration d’un tissu ou d’un organe pendant le développement embryonnaire que nous voulons décrypter. Ce déchiffrage nous permettra de comprendre comment un défaut dans la synthèse d’un des composants de ce réseau peut provoquer des maladies graves, voire mortelles pour l'être humain, comme certaines myopathies ou l’ostéogenèse imparfaite plus connue sous le nom de “maladie des os de verre”.
Objectif
L’objectif de notre équipe est de comprendre la fonction des collagènes dans leur pluralité structurale et fonctionnelle. Les collagènes sont en effet les composants majoritaires des matrices extracellulaires chez tous les organismes pluricellulaires, du plus simple au plus complexe comme l’être humain. Si des gènes codant pour les collagènes sont présents dans le génome de tous les animaux y compris chez l’hydre, un des plus anciens organismes multicellulaires, la plupart sont uniques aux vertébrés. Depuis peu, des gènes codant pour des protéines semblables aux collagènes des animaux ont même été caractérisés dans des bactéries pathogènes! De quoi intéresser nos collègues évolutionnistes à l’IGFL…
Regroupant 28 membres codés par 46 gènes chez l’humain, la super-famille des collagènes est la famille la plus représentée dans les tissus. Ces protéines jouent un rôle incontestablement crucial dans l’architecture et les propriétés biomécaniques des tissus, mais les cantonner à cette fonction serait aujourd’hui tout simplement faux. En effet, les collagènes sont capables de déclencher directement, par l’intermédiaire de récepteurs membranaires spécifiques, des réponses cellulaires aussi diverses que l’adhérence, la différenciation, la prolifération, la migration cellulaire ou l’apoptose. Ce sont en particulier des acteurs majeurs du développement, de la cicatrisation et de la régénération. Enfin, le nombre grandissant de pathologies résultant d’une dérégulation de l'expression des collagènes (fibrose, cancers…) ou de mutations sur les gènes codant ces protéines (myopathies, le syndrome de Knoblock, épidermolyse bulleuse, syndrome Ehlers-Danlos..) témoigne du rôle capital que jouent les collagènes dans la fonction des tissus. L’exploration fonctionnelle des collagènes est un champ d’investigation encore largement ouvert étant donné leur multi-fonctionnalité avérée et le nombre non négligeable de collagènes dont la fonction reste méconnue ou tout simplement non élucidée. La compréhension de la fonction des collagènes, de la biosynthèse des molécules à leur rôle dans les organismes peut impacter de façon significative les questions de santé humaine comme le traitement des “collagénopathies”, de cancers et fibroses, de défauts de cicatrisation, l’aide à la régénération tissulaire et à la prévention du vieillissement.
Historique
L’originalité de notre projet réside dans la réalisation d’une double approche in vitro et in vivo. La première stratégie consiste à identifier des intéractants des collagènes par des méthodes biochimiques et d’imagerie. Les matrices extracellulaires sont des réseaux moléculaires complexes. Identifier les partenaires moléculaires des collagènes est indispensable à la compréhension de leur fonction à l’échelle d’un tissu. L'approche in vivo menée en parallèle dans deux modèles animaux, la souris et le poisson zèbre, vise à moduler l'expression de collagènes ou de domaines conservés afin d’élucider leur fonction. Nous pouvons ainsi générer des modèles animaux de pathologies liées à des mutations sur les gènes d’intérêt. Plusieurs raisons motivent le choix de ces modèles. Le modèle souris, en tant que mammifère, représente un modèle adapté des pathologies humaines, tandis que le modèle poisson zèbre offre de nombreux avantages sur le plan expérimental tels que la rapidité de développement, les facilités d’élevage et de collecte d’embryons, la relative facilité à réaliser de nombreuses manipulations génétiques et à observer des modifications morphologiques, l’embryon et la jeune larve étant transparents. Différents membres de la super-famille des collagènes sont étudiés au laboratoire et les collaborations établies avec plusieurs équipes internationales nous ont conduits à mener une approche de génétique fonctionnelle sur des collagènes identifiés après le séquençage complet du génome humain et dont la fonction in vivo et les mécanismes d’action sont encore inconnus. Les méthodologies déployées dans notre laboratoire sont multiples et intègrent la biologie moléculaire, la biochimie, la biologie cellulaire et la génétique fonctionnelle.